lundi 29 octobre 2012

Cuirs traités, glacés, brillants....fuyez, vite!

Il est regrettable que ce blog soit amené à passer de plus en plus de temps à dénoncer les travers de l'hyper-marketing, qui voudrait faire acheter des produits souvent de mauvaise qualité à des prix généralement excessifs, pour ne pas dire réellement hallucinants lorsqu'on les compare à la qualité du produit. C'est pourtant une mission que nous assumons pleinement, car un consommateur mieux informé sera mieux armé pour distinguer entre bonnes affaires et abus.
Mais c'est promis: nous reviendrons bientôt à des sujets plus positifs.

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De temps à autres, probablement pour renseigner leurs lectrices sur les sujets qui intéressent leurs compagnons, les magazines féminins s'intéressent à la mode masculine, comme l'a fait récemment Madame Figaro. Cet hebdo nous a gratifiés d'une série de photos sur la dernière "tendance" qu'il a cru déceler: dans l'Effet Miroir, il nous explique en effet que "le classique derby pour homme se modernise avec des cuirs traités glacés et brillants." Vraiment? Voyons cela de plus près.

Revoici Paul Smith....
Ce "reportage" consiste en fait en une galerie de douze photos qui illustre une nouvelle fois, et avec force, pourquoi les chaussures pour homme devraient être laissées à des marques spécialisées, qui savent ce qu'elles font, et non à des marques de mode génériques dont le coeur de métier, le savoir-faire essentiel, consiste en la commercialisation de produits souvent de second choix à des prix extravagants.

Malencontreusement, la rédactrice de Madame Figaro ne connaît visiblement pas grande chose au sujet qu'elle aborde ici: sur les 12 chaussures présentées, seules 7 sont réellement des "derbies" -- et encore, en admettant qu'un mocassin à double boucle puisse être considéré comme un derby, alors que cette appellation est plus souvent réservée à des chaussures lacées. Nous trouvons ensuite trois "richelieu" et deux bottines basses sans laçage, dont celle ci-dessous à droite, réédition moderne et bicolore de la vénérable chelsea boot avec ses côtés en tissus élastifié. Sept sur 12, ce n'est vraiment pas terrible côté précision.


Mais là n'est pas le plus grave, même si on serait en droit de s'attendre à un minimum de connaissances de la part de l'auteur de ce petit reportage illustré. Bien plus dommageable est la façon dont ces chaussures, d'un cuir de piètre qualité, sont présentées comme des nouveautés dignes d'intérêt, risquant ainsi d'induire gravement en erreur les lectrices -- et leurs compagnons.

...Pierre Hardy...
En effet, les cuirs "traités glacés et brillants" tiennent leur aspect de la fine couche de plastique qui les recouvre, donnant un cuir que les anglais appellent "patent leather". Ce terme est souvent traduit en France par "cuir verni", alors qu'il n'y a plus aucun vernis depuis longtemps -- mais "verni" est sans doute plus gratifiant que "cuir plastifié", pourtant plus exact.

En fait, les tous premiers cuirs brillants furent fabriqués au début du 18ème siècle selon un processus lent, complexe et cher, et qui consistait à induire les peausseries, une fois tannées, de plusieurs couches d'huile de lin, avec parfois de la laque. Cependant, depuis la fin du 19ème siècle et l'invention de la pellicule fine de plastique, ces techniques ont été largement abandonnées à son profit.

Or, il faut savoir que ce pelliculage plastique n'est généralement utilisé que pour les cuirs de basse qualité, généralement rectifiés, car il permet de dissimuler leurs imperfections. Les conventions font que les chaussures vernies se portent souvent avec les tenues de soirée (encore que beaucoup leur préfèrent, à raison, des richelieu tous simples mais bien cirés), mais là s'arrête leur rôle dans le vestiaire de l'homme élégant.

...et Prada. Dites un prix, pour voir?

Mais au-delà des considérations purement esthétiques, il faut savoir que le cuir pelliculé a également un inconvénient pratique majeur: sa pellicule plastifiée empêche en effet le cuir de respirer. Lorsqu'elle est combinée à une semelle en matière synthétique, comme c'est le cas pour au moins cinq des chaussures présentées, la tige en cuir pelliculé enferme le pied dans un véritable "sac" étanche, où il va mariner pendant toute la journée. Sachant qu'un pied moyen produit plusieurs décilitres de transpiration par jour, on n'imagine que trop facilement le résultat en fin de journée. Et on imagine aussi le temps qu'il va falloir pour sécher l'intérieur de la chaussure.

Donc, cuir de qualité quelconque et un défaut majeur: on pourrait penser que les chaussures présentées par Madame Figaro sont des modèles bas de gamme, vendus en grande surface ou sur les marchés. Détrompez-vous: les prix de cette sélection se situent autour des 400€, avec une mention spéciale pour le modèle Prada (encore elle...) qui est affiché à 850€ (l'auriez-vous deviné?).  Et encore, nous excluons le modèle Berluti (un très beau richelieu claque unie, qui d'après la photo ne semble pas verni) dont on se demande ce qu'il vient faire là, et qui est vendu 1.490€. Mais c'est un Berluti, alors....

Au moins, là c'est bien un derby..
Pourquoi, demandez-vous, attirer l'attention sur un reportage somme toute si peu intéressant?

Nous l'avons fait avec un double objectif: alerter nos lecteurs sur les pièges que peuvent receler les articles de presse, en fait des publi-reportages à peine déguisés, et sur les abus de l'hyper-marketing qui frôlent, dans beaucoup de cas dont celui-ci, les limites de ce qu'admet le droit de la consommation.

Et aussi, ne nous en cachons pas, pour leur montrer que les chaussures produites par des manufactures britanniques spécialisées, et dont le savoir-faire est plus que centenaire, comme celles dont Britannic Shoes assure l'importation en France, offrent une qualité et un rapport qualité/prix imbattable, pour ne pas dire inégalé, surtout si on le compare aux excès du marqueting (on l'a osé!), plaie de notre société contemporaine.



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