jeudi 29 novembre 2012

Blucher, gibson et derby : même combat?

Il existe une variante pas très répandue de la chaussure que l'on connaît sous le nom de derby, et qui a acquis une identité propre -- en fait, une double identité car elle est appelée gibson au Royaume-Uni et blücher en Allemagne et dans les pays d'Europe centrale ainsi que, de manière plus surprenante, aux Etats-Unis. De quoi s'agit-il?

derby, blücher ou gibson?
Ces trois noms désignent des chaussures à laçage ouvert : seraient-ils interchangeables, une nouvelle manifestation de la tendance qui veut que, en matière de chaussures comme ailleurs, l'on fasse compliqué quand on pourrait faire simple?

A la base, blücher et gibson sont simplement d'autres noms pour le patronage derby, qui se caractérise par la présence de garants cousus sur une claque unie, c'est à dire constituée d'une seule pièce de cuir qui comprend aussi la languette.

Serait-ce là leur seule différence?

dimanche 25 novembre 2012

Voici nos chaussures sur mesure :
le summum du luxe, sans le bling-bling


Un an après notre boutique en ligne, et en collaboration avec le bottier anglais Tony Slinger, Britannic Shoes lance une nouvelle activité : la fabrication de chaussures sur mesure, réalisées entièrement à la main. Le summum du luxe discret, en quelque sorte.

Quelques réalisations de Tony Slinger

Nos chaussures Britannic Bespoke by Tony Slinger sont entièrement fabriquées à la main, jusqu'au fil utilisé pour les coutures, selon deux méthodes de construction, en fonction des modèles, de vos préférences et de vos goûts :

-- la construction cousue-collée, qui convient aux chaussures plus légères, et
-- la construction cousue trépointe, qui comme son nom l’indique intercale une trépointe entre tige et semelle. C'est la méthode traditionnelle et la plus recherchée.

Montage de la trépointe sur la tige
Vous pourrez choisir un modèle existant dans notre catalogue, vous en inspirer pour créer un modèle unique, ou créer d’emblée une chaussure d’après votre propre dessin : la gamme des possibilités est immense, qu’il s’agisse de chaussures de ville, de marche, de bottes ou bottines, ou de chaussures de sport, notamment de golf.

En outre, Tony Slinger produit également des chaussures orthopédiques : c’est dire s’il connaît bien la physionomie du pied. Ces connaissances seront particulièrement utiles si, comme c'est le cas de la majorité de la race humaine, vos pieds vous posent des problèmes ou vous font souffrir.

mardi 20 novembre 2012

Les bottiers hongrois sur Internet

Nous avons examiné, dans un précédent post, les styles de chaussures héritées de l'Empire austro-hongrois, les formes dites Budapester et Theresianer, qui rencontrent encore aujourd'hui une grande popularité en Europe centrale.

Il est encore plus remarquable d'observer que la Hongrie, qui a une très forte et très ancienne tradition bottière, arrive encore aujourd'hui à soutenir économiquement au moins une dizaine de bottiers, alors qu'en France, pays six ou sept fois plus grand, on n'en compte plus autant depuis longtemps.

Dans un but documentaire, nous avons recensé ci-dessous les principaux bottiers hongrois ayant une présence commerciale sur Internet.

Plusieurs bottiers hongrois produisent des Budapester, et plusieurs d'entre eux ont des sites internet assez élaborés où ils présentent leur production et vendent une sélection de leurs modèles prêts à porter. Leurs galeries photo valent également la peine d'être parcourues.

Le site Budapester (et sa version anglaise, Budapester Shoes) est exploité par une société allemande qui contrôle deux ateliers de botterie situés à Budapest: Heinrich Dinkelacher et László Vass.

Un autre site, cette fois hongrois, porte aussi le nom de Vass: il s'agit de Vass Cipo, qui présente une très large gamme de modèles fabriqués sur mesure ou à la commande, par le même László et sa fille Eva.

Est également présent sur internet l'atelier Koronya, dirigé par le bottier le plus célèbre de Hongrie, le très médiatique Marcell Mrsán, qui s'est fait un nom à l'international grâce à son blog et à ses cours de fabrication de chaussures, en video ou en personne, qu'il dispense jusqu'au fin fond des Etats Unis.

Notre quatrième bottier hongrois est la jeune entreprise Buday Shoes, dont le style classique est bien servi par une débauche de cuirs de couleur et des coutures décoratives goiser proprement flamboyantes.

De toutes celles que nous avons visionnées pour préparer ce post, ce sont les Budapester de Buday (ci-contre, on modèle de la gamme hiver) qui semblent le mieux marier couleurs, décorations et ligne pour obtenir des chaussures superbes, mais sans les excès et les fautes de goût qui, trop souvent, gâchent les tentatives d'égayer ou mettre au goût du jour des modèles classiques.

Ce ne sont certes pas ces chaussures de tous les jours, quoique beaucoup de modèles sont somme touts assez conservateurs, mais dans un contexte de fête ou de vacances, notamment aux sports d'hiver, elles font partie de ces articles originaux qui peuvent parfaitement convenir à l'homme élégant qui ne se prend pas trop au sérieux.

Attila Cipo ("chaussures Attila"), autre bottier créé en 1994, réalise non seulement de magnifiques Budapester (ci-contre, détail de son full brogue cousu goiser), mais également une large gamme de chaussures plus conventionnelles, dont une collection contemporaine proprement hallucinante, et des modèles historiques et régionaux.

Un autre bottier hongrois, Demeter & Halmos, mérite d'être cité dans ce post. Bottier traditionnel établi en 1974, il s'est ouvert à l'international depuis 2010. D&H produit de bien beaux modèles de chaussures et de bottes, fines et élégantes, et assez proches des goûts français et italien. Dans sa gamme on trouve néanmoins un véritable Budapester, probablement un clin d'oeil au passé.

Sallay Shoes (ou Sallay Cipo, en hongrois, car vous avez compris que cipo = chaussure) est un autre bottier produisant de très beaux Budapester ainsi que, comme ses confrères, une gamme de modèles plus légers plus adaptés aux canons latins de la beauté.

Rozsnai Shoes est le magasin en ligne de la société La-Belly Ltd., entreprise familiale lancée en 1980 par Rozsnyai Sandor. Outre les chaussures cousues main pour homme mais aussi pour femme (uniquement sur commande), la société produit également des chaussures orthopédiques, des chaussures et bottes sur mesure, ainsi que des chaussures de golf et des chaussures pour déguisements. Elle revendique la certification ISO 9001, et propose deux gammes distinctes, classique et contemporaine,  cette dernière faisant preuve d'une belle créativité.

Bien qu'il soit avant tout un spécialiste de la botte cavalière faite main, avec des références impressionnantes, István Tóth produit aussi des chaussures, des bottes de marche, en fait, tout ce que l'on peut chausser: tout est entièrement cousu main, avec souvent des clous en bois.

Ivan Sasvari est un autre spécialiste de la botte d'équitation, et comme le précédent produit également une large gamme de bottes - dont des bottes de hussard - et de chaussures cousues main, dont naturellement des Budapester.


Selfridge's, les anglais et leurs driving shoes

D’accord, après Dubai et ses 9.000 mètres carrés, ce n’est pas grande chose, mais cela reste appréciable à l’échelle européenne : le célèbre magasin londonien Selfridge vient d’ouvrir, dans son siège historique d'Oxford Street, un rayon de chaussures pour hommes d’une surface de près de 1.400 m2, soit l'équivalent d'une trentaine de boutiques traditionnelles.

L’on peut y trouver un stock de 72,000 paires de chaussures de 3.200 "styles" et 250 marques différentes, ce qui en fait, selon Selfridge, le plus grand magasin de chaussures pour hommes au monde. Et on y trouve de tout: du thong Havaianas à £25 aux bottes sur mesure de Tom Ford, vendues £10,000 la paire, mais avec une très nette prédominance pour les marques « mode » dont on sait ce qu’il faut en penser en matière de qualité: Prada, Bottega Veneta, Versace, et tutti quanti. Il y aura même une boutique hommes de Christian Louboutin, le célèbre chausseur pour femmes, alors....

Le rayon des "driving shoes" est très bien achalandé
Il y a des salons où l’on peut acheter des chaussures sur mesure, des accessoires, et surtout un salon consacré à cette excentricité très anglaise, la driving shoe (chaussure de conduite). On y trouve une large gamme de richelieu sportifs et de mocassins très légers destinés à faciliter la conduite, et censés faire de vous un meilleur conducteur, un peu comme ces mitaines à dos crocheté que l'on portait au volant dans les années 1950 devaient vous transformer en Fangio....

Et si dans ce domaine la marque italienne Tod’s a une longueur d’avance, elle est suivie de près par de nombreux imitateurs venant du monde entier, et comprenant des marques prestigieuses comme Gucci, Carshoe, Bottega Veneta et Prada aussi bien que des moins connues, comme la brésilienne Fairmount.

Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, le secteur de la chaussure de conduite est, selon les responsables de Selfridge, le plus dynamique et le plus concurrentiel du marché de la chaussure pour homme.

dimanche 18 novembre 2012

Fabrication à la main & "hand-made": An 2

Nous nous étions plaints, dans un de nos tous premiers billets, des restrictions qu'apporte toujours une loi française de 1948 à l'utilisation de l'appellation "fait main" dans le secteur de la chaussure, et qui nous empêche notamment de qualifier nos chaussures, pourtant parfaitement "hand-made" au Royaume Uni, de "fabriquées à la main" dès qu'elles franchissent la Manche.

Elles sont faites avec mes pieds, mes chaussures?
Nous avions également expliqué avoir déposé une plainte à ce sujet auprès de la Commission européenne, afin que ce texte soit mis en conformité avec le droit européen, qui n'admet aucun "obstacle technique au commerce intracommunautaire." 

Nous considérons que ce texte en est un exemple d'école, car il interdit de facto l'importation de chaussures "faites main" en créant une distinction parfaitement artificielle et spécieuse entre méthodes de fabrication. Et, une fois cette distinction faite, on voudrait s'en servir pour contraindre les chaussures produites à l'étranger de s'y conformer, et donc d'abandonner leurs spécificités en pénétrant le marché français.


Outre son aspect inutilement restrictif, nous estimons que ce texte est aussi profondément illogique, car il interdit, pour les chaussures portant l'appellation "faites main," tout recours à la machine "sauf en ce qui concerne l'assemblage des diverses pièces composant la tige". Mais pourquoi donc cette exception?


mercredi 14 novembre 2012

(Mis à jour le 5 décembre):
Chaussures étroites ou pointues: attention, santé!

En voulant acheter des chaussures à l'esthétique plaisante, on oublie trop souvent les aspects pratiques qui devraient, au contraire, être le principal critère de choix, étant donné l'importance de la santé de nos pieds pour notre bien-être général.

Si ce sont les femmes - fashion oblige - qui se laissent le plus souvent dicter la forme de leurs chaussures par la mode, certains hommes mal avisés se laissent également influencer, et achètent par exemple des chaussures pointues pensant se mettre, eux aussi, à la mode. Les conséquences sont moins graves pour les femmes, dont les chaussures ont une courte durée de vie, alors que les hommes les gardent longtemps.

Faut-il en arriver là pour être bien dans ses chaussures ?
La forme des chaussures, rapportée à la physionomie de chaque pied, a une influence déterminante sur les pathologies du pied, comme le rapporte fort opportunément le Dr Michel Maestro, chirurgien orthopédiste et spécialiste du pied à Monaco, et cité dans un récent article de Corse Matin.

Ce spécialiste nous y apprend que l'un des motifs de consultation les plus fréquents, en cette matière, sont les "déformations importantes des orteils latéraux, des douleurs à l'appui, des cors et des durillons, avec des douleurs par conflit avec la chaussure » que l'on peut attribuer à un mauvais "chaussage, notamment les bouts de chaussures trop étroits."

dimanche 11 novembre 2012

Dubai gagne (encore) la course à la démesure

9.000 mètres carrés - 244 marques - 15,000 paires de chaussures: ces quelques chiffres donnent une idée de ce qu'est Level Shoe District, le magasin de chaussures le plus grand du monde, qui vient d'être inauguré à Dubaï.

Un concept un peu paradoxal dans un pays où les hommes portent le plus souvent des savates, mais finalement assez conforme à la démesure dont ce petit état s'est fait une spécialité. Et conforme aussi à sa tradition commerciale millénaire, qui trouve son expression moderne dans les centres commerciaux dont le nombre, la taille et les prix très abordables - grâce à l'absence quasi-totale d'impôts et de taxes - en font l'une des mecques du shopping mondial.

Une des zones "multimarques"
Level Shoe District se trouve dans The Dubai Mall, l'un sinon LE centre commercial le plus moderne et plus luxueux du pays, et qui appartient à un groupe régional spécialisé dans le luxe, Chalhoub Group, dont le directeur note, à cette occasion, que le luxe ne s'est jamais aussi bien porté dans la région malgré l'explosion de la bulle immobilière. Mais ça nous, qui payons notre essence plus de 1.6 euros le litre, nous le savions déjà.


mercredi 7 novembre 2012

Une bien curieuse industrie....

Si l'on  ne s'intéresse qu'à une petite niche du marché de la chaussure, comme c'est notre cas, on n'a pas toujours conscience de l'état de l'ensemble de cette industrie. C'est pourquoi les premières perspectives de l'activité de l'année 2012, annoncées début novembre par le président de la Fédération Française de la Chaussure, offrent l'occasion de faire le point sur se secteur d'activité.

On apprend de la bouche de Jean-Pierre Renaudin, le président de la fédération, dont les propos sont rapportés par l'AFP, que l'année en cours devrait être "stable ou très faiblement négative," avec un repli du chiffre d'affaires de l'ordre de 1-2%. Mais par rapport à quoi?

Infographie (c) Telegramme de Brest
Le site de la FFC présente une analyse de l'activité pour l'année dernière, où on apprend que le chiffre d'affaires s'est monté à 861 millions d'euros pour une production de 24 millions de paires. Cela met le prix moyen de la chaussure "sortie d'usine" à 35,8€ la paire, tous modèles confondus.

La FFC indique aussi que les 82 entreprises françaises du secteur productif emploient 5.760 personnes, ce qui équivaut à un chiffre d'affaires par employé de 149.500€. A titre de comparaison, le CA par employé du Groupe EADS, la maison-mère d'Airbus, a été de 313.000€ en 2011: la high-tech rapporterait-elle à peine le double que la chaussure? L'explication, détaillée plus bas, est la sous-traitance.

vendredi 2 novembre 2012

Souvenirs impériaux: Budapester & Theresianer

L'empire austro-hongrois, qui jusqu'à la fin de la première guerre mondiale s'étendait sur l'essentiel de l'Europe centrale et orientale ainsi que les Balkans, se développa autour de deux capitales, Vienne et Budapest, chacune apportant ses spécificités culturelles dans tous les domaines, y compris celui de la botterie.

La Budapester a un bout droit vertical
Cependant, là où les bottiers viennois adoptèrent un style assez conventionnel, où se mélangent influences italienne et anglaise, leurs homologues hongrois adoptèrent un style beaucoup plus original et reconnaissable au premier coup d'oeil autant par sa forme que son aspect, plutôt massif et épais : le style dit de Budapest ou, en allemand, Budapester.

Ce type de chaussure est, invariablement, un derby, le plus souvent mais pas toujours à cinq oeillets, et dont les garants et languette remontent assez haut sur le cou de pied. Mais sa spécificité ne s'arrête pas là.