dimanche 22 juillet 2012

Que dirait Jeeves? Conseil n° 2

Nous avons vu, dans le post précédent, que seules les chaussures de qualité en cuir étaient à même de satisfaire aux exigences de l'homme élégant. Mais choisir la matière de base ne suffit pas; il faut également savoir adapter ses chaussures aux circonstances.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, en dehors des bottines c'est le mocassin qui est la chaussure la plus informelle et la plus sportive; par conséquent, on évitera logiquement de porter ce type de chaussure dans des circonstances formelles, avec une seule exception: le smoking. En effet, on peut porter un mocassin verni avec un smoking car cette tenue était, à l'origine, une alternative plus décontractée et plus informelle à l'habit de soirée alors de rigueur dans les dîners élégants.


Richelieu verni pour la ligne et semelle collée pour la légerté: le modèle Craven de chez Cheaney est le prototype même de la chaussure de soirée.




Puisqu'on en est aux tenues formelles, il faut noter que les chaussures vernies, mocassins ou à lacets, ne se portent que le soir. Pour des tenues habillées de jour, tel l'habit (jaquette), on portera des chaussures noires très simples, sans aucune décoration ni fioriture, et de préférence lacées. Inversement, ce même type de chaussure peut aussi parfaitement remplacer la chaussure vernie de soirée, car on n'a pas forcément envie d'acheter des chaussures vernies si on n'a pas souvent l'occasion de les porter.

Venons-en aux tenues de tous les jours.



Nombre de règles traditionnelles sont maintenant tombées en désuétude (là, ce n'est plus du Ségolène), mais il faut savoir que certaines d'entre elles restent inflexibles. S'il est maintenant admis que l'on peut porter en ville des chaussures marron ou des brogues, modèles qui y étaient absolument proscrits il y a encore quelques décennies, on veillera toujours à ne porter que des chaussures beiges, marron ou noires -- les modèles gris, bleus ou verts, tout comme les modèles peints ou patinés, sont à oublier définitivement. Quoi qu'en prétendent certains illuminés, les chaussures ne sont que des chaussures, et il ne sert à rien de les peindre telles une vielle maquerelle, sinon à se faire classer illico prestissimo dans la catégorie des originaux.

Afin de se simplifier la vie en évitant de tels impairs, on peut dégager une hiérarchie des styles de chaussures.

En bas de ce que l'on pourrait appeler "échelle du formalisme" se situent les bottines, qu'elles soient chukka ou jodhpur, suivies par les mocassins. On exclura de cette liste les bottines lacées haut, façon rangers, qui tiennent plus de la botte que de la chaussure, et qui sortent donc de notre propos aujourd'hui.

Viennent ensuite les derby (à laçage ouvert). On distinguera, dans cette catégorie, deux variantes: très campagne, lorsque les œillets sont métalliques, ou plus polyvalentes, lorsque ces mêmes œillets sont dissimulés sous les garants.

Poursuivant notre progression, on trouve ensuite les richelieu (oxford, à laçage fermé) et, éventuellement, les modèles à claque unie, c'est à dire dont la partie supérieure est façonnée à partir d'une seule pièce de cuir, et sur laquelle n'apparaît donc aucune couture. Les claques unies sont, sans doute, les plus simples, et donc théoriquement les plus élégantes, mais il s'y attache un je ne sais quoi d'excessif, de too much, qui nous les fait plutôt déconseiller dans les circonstances les plus formelles.

Il est évident que les règles ci-dessus, comme toutes les règles, acceptent des exceptions; tout l'art est de savoir lesquelles s'autoriser, quand et comment. De manière générale, pour les chaussures aussi bien que les vêtements, il est préférable d'être un peu moins 'habillé' que trop: à choisir, on préférera être le seul à porter un costume sombre alors que les autres sont en smoking, plutôt qu'être le seul à porter un smoking lorsque tout le monde est en costume.

Par conséquent, on préférera donc porter des chaussures un peu plus décontractées que trop formelles.


Derby brogué, oeillets métalliques, et couleurs variées: le modèle Jack de chez Loake est certainement la plus décontractée des chaussures que nous proposons.




Nous voici enfin au choix des matières. La moins formelle est le veau velours, qui seul peut se porter dans des couleurs sortant un peu de l'ordinaire, tel le bleu, le vert, le beige taupe etc. etc., que ce soit en chaussure lacée ou en mocassin.

Viennent ensuite les différents types de cuir: gras, grainé, cordovan (cuir de cheval, qui n'est plus produit qu'aux Etats Unis) lisse et, au sommet de l'élégance, le cuir verni (qui, encore une fois, ne se porte que le soir, et en tenue habillée).

Nous avons volontairement évité de parler de cuirs spéciaux (autruche, buffle, antilope, etc.) ou des peaux de reptile. Dans les deux cas, il s'agit de chaussures très particulières, pouvant être portées dans des lieux et des circonstances généralement très éloignés des nôtres.

Tout comme pour la grammaire, il y a pour les chaussures aussi des règles de concordance, mais cette fois des styles et non des temps. L'habillage des pieds doit en effet accompagner et souligner l'habillement, et non créer un conflit visuel. On ne portera pas, par exemple, de derbies brogués beiges avec un costume noir, ni des oxford en veau-velours bleu avec une veste en tweed verte. Là, aussi, les matières et les couleurs doivent s'accorder: à tissu campagne, chaussure campagne; à tissu formel, chaussure plus habillée, et ainsi de suite.

Si ce qui précède peut paraître fastidieux, voir suranné, il résume les règles essentielles qui régissent le port des chaussures, et qui permettra au lecteur qui les appliquera d'apparaître sous son meilleur jour en toute circonstance. Tout écart des règles se fera donc de manière réfléchie et volontaire, et non par ignorance.

Pour faciliter ultérieurement la vie de nos lecteurs, nous avons élaboré une échelle qui reprend de façon synthétique les conseils énumérés dans ce post, et qui pour chaque critère dresse une liste croissante du degré de formalité, du plus décontracté au plus formel.

Échelle croissante de formalité: du plus décontracté au plus formel
a) par patronage
- bottine
- mocassin
- derby
- richelieu (oxford) 
b) par décoration
- full brogue
- half-brogue
- quarter brogue
- toe cap (bout souligné d'une unique couture transversale)
- claque unie 
c) par couleur:
- whisky/tan
- marron
- bordeaux (couleur cordovan)
- noir
- noir verni 
d) par matière
- veau velours
- cuir gras
- cuir grainé
- cuir cordovan (cheval)
- cuir lisse
- cuir verni



N.B.: Il est entendu que tous les modèles de chaussures mentionnés dans ce blog sont disponibles sur notre boutique en ligne, Britannic-Shoes.fr, où les soldes dureront encore quelques jours, jusqu'au 26 juillet.


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