jeudi 6 septembre 2012

Cirages n° 2: des origines à aujourd'hui

Si nous avons récemment examiné les trois principales marques de cirages de luxe européennes - Burgol la suisse, Collonil l'allemande et Saphir la française - il reste encore quelques marques moins connues a qui une clientèle fidèle a permis de survivre jusqu'ici, dans un marché international qui ne brille certes pas par la prime qu'il donne à la qualité.

En fait, le nombre de marques de cirage - ceux dans les boîtes plates en fer blanc, qui étaient jadis les seuls produits d'entretien - est très élevé, car il s'est créée une ou plusieurs de cirage "basique" dans pratiquement tout les pays où l'on porte des chaussures en cuir.

 Ainsi, parmi les plus exotiques, il existe encoure aujourd'hui de cirages sud-africains, japonais, néo-zélandais, brésiliens, turcs, russes et sans doute beaucoup d'autres que nous n'avons pas encore rencontrés. Qui connaît la Lincoln stain wax ci-contre? Elle est encore en vente, mais comment a-t-elle pu survivre jusqu'à nous?

L'un des objectifs de ce blog étant pédagogique, nous ferons dans ce post un survol des principales marques européennes, et notamment britanniques, car il existe dans ce pays une profusion de cirages méconnus, à diffusion confidentielle, tout comme en Allemagne et dans quelques pays de l'ancienne Europe de l'est. Comment survivent-ils?

Mais la plus connue de ces marques, celle qui domine quantitativement, et de très loin, le marché mondial, nous vient de l'hémisphère sud, d'Australie plus précisément, et porte pourtant un nom qui fleure bon la Nouvelle Zélande, en l'honneur de la nationalité de l'épouse de son inventeur.

Le colosse australo-anglais domine toujours, un siècle plus tard

Kiwi, car c'est bien sûr d'elle qu'il s'agit, a été fondée à Melbourne en 1906 par William Ramsay, un écossais fraîchement immigré, qui avait mis au point un cirage pour bottes qui avait l'avantage de pouvoir s'appliquer rapidement et de pigmenter le cuir en même temps qu'il le rendait brillant.

Il faut savoir que, jusqu'alors, le cuir - uniformément noir - s'entretenait avec ce que les anglais appelaient "boot blacking", c'est à dire "noircisseur pour bottes", que l'on préparait chez soi, généralement en mélangeant de la suie de cheminée avec du gras animal et parfois d'autres ingrédients, mais ces préparations salissaient les vêtements et n'étaient pratiques ni à fabriquer, ni à utiliser..

C'est l'une des raisons du succès de la marque Kiwi, et dès 1908 Ramsay commença à exporter ses cirages vers la Nouvelle Zélande et l'Angleterre, où la demande était très forte en raison de la diffusion croissante de chaussures cousues Goodyear qu'il fallait entretenir. Dès 1924, les cirages Kiwi étaient déjà commercialisés dans plus de 50 pays.

La marque alla de force en force, notamment grâce aux contrats de fourniture de cirage aux forces allées pendant les deux guerres mondiales, jusqu'à l'année 1984, lorsqu'elle fut rachetée par la multinationale américaine Sara Lee Corporation, ce que de nombreux utilisateurs considèrent avoir été le début du déclin. Non pas commercial, car Kiwi dit être aujourd'hui distribué dans près de 200 pays, mais parce que ce rachat semble avoir poussé à une reformulation, où des produits chimiques ont remplacé les derniers produits naturels, ainsi que le détaille cet article du célèbre webzine américain Wired.

Deux vénérables français

On trouve aussi sur le marché deux vénérables marques françaises de produits d'entretien: Grison Paris, qui appartient désormais au groupe américain LJW, et Famaco, une entreprise restée toujours dans le giron de la famille de son fondateur, François Pfirter. Nous regarderons également Dasco Shoe Care, marque anglaise établie à Desborough, près de Northampton, et appartenant à la société Dunkelman and Son Ltd., ainsi que d'autres marques européennes encore moins connues.

D'après son propriétaire actuel, la marque Grison apparaît pour la première fois en 1847; elle portait auparavant le nom de La Chevrette qui apparaît encore sur son logo. Née à Paris, et produite à Villeneuve La Garenne, Grison s'impose sur le marché français puis entame dans les années 1930 une carrière à l'exportation vers les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Belgique. 

La marque Grison a été rachetée par le groupe américain LJW, qui l'a relancée depuis 1996 et qui a commencé à la développer à l'export, notamment en Russie et en Amérique Latine. LJW a lui-même été racheté par Melvo GmbH, déjà propriétaire des marques Salamander, Salamander  Professional, et Woly, ce qui en fait, à l'issue d'une longue et complexe séance de "meccano" industriel, l'un des tout premiers groupes en matière de produits d'entretien pour chaussures.

Si Grison est passée sous drapeau américain, puis allemand, l'autre marque française, Famaco, est restée une entreprise familiale, implantée depuis sa création à Châtillon sur Seine, en banlieue parisienne; la société s'appelle aujourd'hui Société des Etablissements Frédéric Pfirter, du nom du suisse qui la fonda en 1931. Initialement appelées "Fama", qui signifie "renommée" en latin, elle prit son nom actuel lorsqu'un concurrent appelé Lama, dont il fallait se démarquer, apparut sur le marché.
Comme plusieurs marques, Famaco commercialise une gamme de cires de base ainsi qu'une gamme plus haut de gamme appelée de l'Abbaye.

Aujourd'hui dirigée par le fils du fondateur, la marque Famaco est fière des plus de 120 couleurs de ses crèmes de cirage, et revendique la clientèle de marques aussi célèbres que Weston et Vuitton, pour n'en nommer que deux. La marque est facilement reconnaissable à son logo, qui montre deux silhouettes masculines habillées en tenue de soirée, avec cape, haut de forme et canne.

Les origines: Angleterre, 1765

Au Royaume-Uni, la marque la plus ancienne en matière de produits d'entretien pour chaussures est Carr & Day & Martin, un sellier qui commença son activité commerciale en 1765. A cette époque, l'entretien des bottes - il n'y avait encore que très peu de chaussures - se limitait à huiler les semelles et vernir les tiges, la notion de polissage n'ayant pas encore apparu.

C'est là la principale innovation de Day & Martin, la société créée par un certain Mr. Day, coiffeur à Doncaster, et un soldat retraité nommé Martin qui détenait la formule d'un produit d'entretien que se transmettaient les valets et ordonnances d'officiers supérieurs. Day & Martin fut donc le premier à commercialiser le "boot blacking", qui permettait de cirer et polir le cuir; il le mit en vente en 1770 dans sa boutique située 97, High Holburn à Londres. C'est ce produit qui allait évoluer au fil des siècles pour devenir les cirages et crèmes d'entretien que nous connaissons aujourd'hui.

La société fut rachetée en 1923 par Carr & Son, de célèbres selliers, et devint Carr & Day & Martin, qui existe encore aujourd'hui mais qui ne produit plus que des produits d'entretien de sellerie et pour chevaux, exception faite de quelques cirages pour chaussures.

Dasco, le survivant anglais

Aujourd'hui, la marque anglaise le plus connue en matière de cirage pour chaussures est Dasco, qui appartient à la société Dunkelman & Son Ltd., établie à Desborough, près de Northampton.

Dasco ne vend qu'aux grossistes et aux magasins, et propose une large gamme de produits dont les cirages et crèmes ne constituent qu'une toute petite partie. L'essentiel de sa production est constitué d'embauchoirs, semelles et autres coussinets, ainsi que des chausse-pieds et formes pour bottes, et ses produits ne sont pas généralement importés en France.

Mais Dasco produit également cires et crèmes pour des tiers, dont font sans doute partie nombre de fabricants de chaussures de la région.

L'allemand Tapir joue la transparence

Surfant sur la vague écologique, et le retour aux produits naturels, la marque allemande Tapir joue la transparence au point qu'elle la seule, parmi tous les producteurs de cirage que nous avons trouvé, à annoncer la liste de tous les composants entrant dans la fabrication de ses produits.

De nombreux produits d'entretien pour cuir du commerce contiennent des cires synthétiques, des solvants issus de la pétrochimie et des colorants à base de goudrons, note le site de Tapir, et beaucoup contiennent des émulsifiants, des épaississants, des anti-oxydants etc etc. "Mais vous, les consommateurs, ne le savez pas," note-t-il, "car aucune loi n'oblige à déclarer tous les ingrédients." Et la société publie donc sur son site web non seulement la liste de ses ingrédients, mais également leur provenance et, en version abrégée, reproduit la liste même sur ses boîtes de cirage. C'est, à notre connaissance, une initiative unique qui mérite d'être signalée.

Cependant, et ceci expliquant sans doute cela, les prix des produits Tapir sont assez élevés, et nous ne connaissons pas la qualité du produit de première main. Il serait extrêmement décevant si l'on devait s'apercevoir, par la suite, que ces prix élevés s'expliquent par la vogue des produits "bio" et "écolos" plutôt que par la qualité des ingrédients, mais rien ne permet, en l'état, de le soupçonner.

Des produits traditionnels dans toute l'Europe

Chaque pays européen, ou presque, semble avoir sa propre marque de cirages et crèmes pour chaussures, dont beaucoup  ont survécu jusqu'à nos jours. Nous avons listé ci-dessous les principales marques encore en activité que nous avons pu retrouver, et que nous indiquons essentiellement en raison de leur intérêt historique. Nous sommes particulièrement redevables au site allemand BestOfBest-Mode qui a mis en ligne une première liste de producteurs.

Nous serions bien entendu très intéressés de connaître les éventuelles expériences des uns et des autres avec ces produits qui, même s'ils ne sont pas commercialisés en France, sont disponibles à la vente sur Internet.

(N.B.: Plusieurs de ces sociétés se sont concentrées sur les produits de sellerie et de soins pour chevaux, les cirages ne représentant plus qu'une petite partie de leur activité.) 

Allemagne:
-- Ed. Maier Restauratorencreme
-- Eg-Gu 1890


Etats-Unis:
Espagne:
Grande Bretagne:
Irlande:
-- Punch (Guardsman's Gloss)
Pays Bas:
-- Rapide









































































































1 commentaire:

  1. je suis utilisateur de la marque tapir depuis plusieurs années : je ne voudrait plus avoir à utiliser un autre cirage. Bon séchage, lustrage quasi immédiat, APPLICATION AGRÉABLE car solvant terpène (en comparaison avec les odeurs de pétrole des cirages courants).
    Le prix plus élevé est un critère dérisoire, car la durée d'utilisation (économe) ne justifie aucune "économie de bouts de chandelle"...

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