Construction veldtschoen d'une botte Kelso |
Ce post est un bref rappel des principales techniques de construction des chaussures pour homme, partant du plus simple au plus complexe. Nous sommes très reconnaissants au blog américain Denim Life, au bottier italien Scarpe di Bianco et à la boutique vintage en ligne Classic Shoes For Men pour les excellents dessins et illustrations que nous leur avons empruntés pour illustrer ce billet.
La construction la plus simple est le collé, aussi appelée "soudé", dans laquelle semelle, doublure et tige sont assemblées avec des adhésifs idoines, sans aucune couture. Cette technique convient aux chaussures les plus légères, et ne doit pas être dédaignée a priori car d'une part la qualité des colles s'est beaucoup améliorée, et d'autre part certains mocassins très fins ne pourraient être construits autrement.
La deuxième technique est le cousu Blake, dans laquelle une unique couture relie ensemble la semelle extérieure, la première de propreté (en fait, la semelle intérieure) et la tige. L'inconvénient de cette technique est que les coutures dépassent à l'intérieur, et qu'elles frottent sur la plante des pieds.
Blake Rapid |
Pour les chaussures plus lourdes, la construction qui s'est imposée depuis des siècles est le cousu trépointe, appelé ainsi car elle ajoute une trépointe, c'est à dire une bandelette de cuir à laquelle sont attachées semelle, doublure et tige. La trépointe est d'abord cousue à la la tige par une première couture oblique, puis à la semelle par une couture verticale, qui reste visible près du bord de la semelle.
cousu Goodyear |
Le cousu Goodyear a cependant un petit défaut: lorsque la trépointe est cousue, elle laisse un très petit passage par lequel l'eau peut, à la longue, pénétrer à l'intérieur. On peut y remédier en graissant l'interstice, mais on peut aussi adopter deux autres méthodes de construction qui rendent la chaussure pratiquement imperméable: le veldtschoen ou le cousu norvégien.
Le nom veldtschoen, qui signifie littéralement "chaussure de campagne", nous vient du néerlandais que parlaient les Boers, fermiers originaires des Pays Bas qui s'installèrent en Afrique du sud, et à qui l'on attribue cette technique.
Dans sa forme basique, le cousu veldtschoen est très simple: le bord de la tige est tourné vers l'éxtérieur lorsqu'il atteint la semelle, et est cousu à celle-ci. Ce plis ferme le passage entre tige et semelle, l'eau ne peut plus y passer, et le pied reste au sec. Objectif atteint.
Construction veldtschoen |
Mais revenons à nos moutons. La variante la plus connue du veldtschoen, et à laquelle on pense aujourd'hui lorsqu'on utilise le terme, ajoute une trépointe à la précédente, ce qui renforce sensiblement l'ensemble, tandis qu'une troisième variante (stitch-down veldtschoen) ajoute une deuxième couture Rapid, parallèle à la précédente, pour un total de trois.
Il y a aussi une quatrième variante, mise au point par Lotus, l'un des principaux producteurs anglais du début du 20ème siècle, et qui était basée à Stafford - pour une fois, pas dans le Northamptonshire, mais dans les Midlands, le coeur industriel de l'Angleterre. Cette méthode est rapportée par le blog Loomstate, auquel nous avons emprunté ces deux schémas de l'époque.
Lotus, donc, qui employait encore plus de 2,000 personnes en 1950, commercialisa en 1915 une botte d'officier absolument étanche (pour résister à l'eau des tranchées) et qui faisait appel à une technique (welted veldtschoen, ci-contre à droite) qui utilisait une double tige, c'est à dire deux couches de cuir superposées.
On avait donc deux couches de cuir superposées, dont l'une terminait pliée vers l'extérieur, et séparées par un renfort antérieur cousu à elles; deux semelles extérieures, et deux coutures: pas étonnant, dans ces conditions, que cette botte était garantie totalement imperméable! A tel point, d'ailleurs, que pendant des années le célèbre marchand de vêtements londonien Cordings garda dans sa vitrine une botte Lotus baignant dans un seau d'eau, afin de démontrer qu'elle était vraiment étanche.
Après la guerre, la botte d'officier Lotus fut vendue sur marché civil, et devint la botte de chasse Durham, réalisée essentiellement en cuir grainé "zug", et qui remporta un très grand succès auprès non seulement des chasseurs mais aussi des randonneurs, des agriculteurs, des golfeurs etc etc. La même variante de la construction veldtschoen fut ensuite utilisée pour une large gamme de chaussures basses qui assura la prospérité de la marque jusqu'aux années 1970, date où commença son irrémédiable déclin.
Ainsi, ces quatre variantes de la construction veldtschoen assurent, à des degrés divers et avec des solutions plus ou moins complexes, l'étanchéité de la chaussure et, in fine, le confort de leur propriétaire quelle que soient les conditions atmosphériques. Et c'est bien ce qu'on demande à de bonnes chaussures, et que l'on leur demandait avec encore plus d'insistance il y a un siècle et demi, avant que l'on n'invente la vulcanisation, et le caoutchouc qui en est issu.
(à suivre...)
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour cet article bien illustré. Je vous cite sur
http://saintyrieixlaperche.wordpress.com/