Si vous aimez les chaussures, vous aimez aussi les entretenir, et naturellement vous n'utilisez que les meilleurs produits -- pâtes, cirages, graisses -- disponibles sur le marché pour ce faire. Mais, justement, quels sont les meilleurs produits d'entretien?
Vous ne serez pas étonné d'apprendre que la réponse varie selon le pays. Depuis Pascal et son célèbre «Vérité en deçà des
Pyrénées, erreur au delà», en effet, la situation n'a pas bien évolué, et chaque pays reste attaché à sa production nationale.
En Europe, le marché des produits d'entretien pour chaussures est dominé par trois grandes marques, une française (Saphir), une allemande (Collonil) et une suisse (Burgol). Deux autres marques françaises moins connues sont également présentes sur ce marché: Famaco et Grison, cette dernière appartenant désormais à un groupe américain alors que la première est restée une entreprise familiale. Et il n'existe qu'une seule grande marque anglaise, Dasco, même si elle est bien loin d'égaler la renommée des marques du Continent.
Un premier constat s'impose, et surprend. Les trois marques les plus réputées proviennent de pays qui n'ont pas d'industrie de la chaussure de premier plan, tandis que l'Angleterre, patrie de la chaussure de qualité depuis un siècle et demi, n'a pas su générer de marque ayant su s'imposer au niveau mondial. La plus célèbre des marques anglaises, Kiwi, fut en fait inventée en Australie et appartient maintenant à un conglomérat américain. Les marques réellement anglaises - Carr & Day & Martin; Cherry Blossom; et autres Durbar - ont disparu, ont changé d'activité principale, ou alors connaissent aujourd'hui une diffusion confidentielle.
Ceci est probablement du au fait que chaque grande marque anglaise de chaussures commercialise ses propres cirages et crèmes. Mais qui, alors, produit les gammes de cirage pour les marques Tricker's, Crockett & Jones et autres Loake? Le secret est bien gardé, les marques ajoutant sans doute une importante "prime de notoriété" au prix de revient sans doute relativement modeste de ces produits.
Ceci est probablement du au fait que chaque grande marque anglaise de chaussures commercialise ses propres cirages et crèmes. Mais qui, alors, produit les gammes de cirage pour les marques Tricker's, Crockett & Jones et autres Loake? Le secret est bien gardé, les marques ajoutant sans doute une importante "prime de notoriété" au prix de revient sans doute relativement modeste de ces produits.
Nous allons nous concentrer, dans ce billet, sur les trois principales marques indépendantes européennes, qui présentent plusieurs points de similitude. Les autres marques européennes feront l'objet d'un autre billet.
Tout d'abord, deux d'entre elles sont nées au début du 20ème siècle, c'est à dire une cinquantaine d'années après que l'invention de la machine à coudre Goodyear eût permis la démocratisation de la chaussure de qualité. La troisième, Avel, mieux connue par la marque des ses produits, est beaucoup plus récente, n'ayant été fondée qu'en 1977, mais elle a repris la marque Saphir, célèbre depuis qu'elle a gagné une médaille d'or à la Foire de Paris de 1925. Et elle ne nous laissera pas l'oublier...
Tout d'abord, deux d'entre elles sont nées au début du 20ème siècle, c'est à dire une cinquantaine d'années après que l'invention de la machine à coudre Goodyear eût permis la démocratisation de la chaussure de qualité. La troisième, Avel, mieux connue par la marque des ses produits, est beaucoup plus récente, n'ayant été fondée qu'en 1977, mais elle a repris la marque Saphir, célèbre depuis qu'elle a gagné une médaille d'or à la Foire de Paris de 1925. Et elle ne nous laissera pas l'oublier...
Il est assez intéressant de relever que ces trois marques sont longtemps restées indépendantes, même si les vicissitudes de l'histoire, et le défaut de successeur, a amené leurs propriétaires à les vendre. D'où viennent-elles, et où vont-elles?
Burgol: fier de sa qualité suisse
La plus ancienne de nos trois marques, Burgol, fut créée en 1921 à Burgdorf, dans le canton suisse de Berne, par la famille Grütter, qui fabriquait artisanalement ses produits qu'elle vendit d'abord dans la région d'Emmenthal. En 1945, changement de génération, et l'atelier déménagea dans la localité voisine d'Aarwangen, dont le château apparaît toujours dans son logo.
En 1983, faute de successeur, Alfred Grütter vendit la société, qui continua avec un nouvel actionnariat sous l'appellation de AG Burgol Siegenthaler, située à Herzogenbuchsee, toujours dans le canton de Berne.
Burgol insiste particulièrement sur son caractère artisanal et sur sa fabrication entièrement à la main, et s'enorgueillit de ce que ses produits ne sont pas, et ne seront jamais, produits en masse. Les composants utilisés dans sa production sont naturels, tels la cire de carnauba, la cire d'abeille et l'huile essentielle de térébenthine, avec des pigments également naturels. La société affirme que la conjonction de ces caractéristiques donne des produits ayant un "pouvoir couvrant, une capacité de pénétration du cuir, de protection et de brillance inégalés".
Si Borgol n'a jamais quitté les environs de Berne, l'allemand Collonil n'a jamais quitté les environs de Berlin, où débuta son épopée en 1909, lorsque Karl Esslen, représentant pour l'Allemagne des produits d'entretien pour cuir suédois Collan Olja, s'associa aux frères Paul et Walter Salzenbrodt. En 1918, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, leur société devint Esslen & Co. GmbH, et commença à produire ses propres huiles pour cuir sous la marque Collonil. Après bien des vicissitudes, la société s'établit à Berlin Wittenau, où elle demeure encore aujourd'hui sous le nom de Salzenbrodt GmbH & Co. KG
Contrairement au suisse Burgol, l'allemand Collonil commercialise à la fois une gamme courante de cirage en pâte, l'Interpolish, et une gamme de prestige, la 1909, dont le nom rappelle son année de création.
En 2009, pour fêter son centenaire, Collonil sortit une nouvelle gamme, "Jubilé 2009," et insiste sur "ses formules spéciales alliant des ingrédients d’entretien minutieusement combinés et par son parfum discret de cèdre et de bois de santal. Mais il ne faut pas oublier que c'est Collonil qui inventa le "Self Shine", cet abominable éponge imbibée de produits chimiques qui créé un faux lustrage, et qui comme nombre de produits inventés dans les années 1960 et 1970 se révéla, par la suite, être une fausse bonne idée.
Avel: une fausse jeunette française
La société Avel, qui fabrique les produits de la marque Saphir, n'a été fondée qu'en 1977, mais grâce à une politique de croissance externe elle a acquis des marques de notoriété mondiale, dont les plus
anciennes remontent à 1872, et revendique un "savoir-faire inégalé" acquis par ce biais. Avel fabrique ses produits dans son usine de
plus de 7 500 m2 implantée dans le Sud-Ouest de la France, près de Cognac.
Avel aussi propose deux gammes de cirage en pâte: la Pâte de Luxe, plus courante, et la pâte Médaille d'Or 1925, plus adaptée au glaçage.
Il existe deux gammes de produits Saphir: la gamme normale, dont la boîte est bleu roi et dorée, et la gamme Médaille d'Or 1925, qui commémore la médaille d'or remportée par le Rénovateur Saphir cette année-là à l'Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes. La pâte de luxe Médaille d'Or est composée de térébenthine, de cires végétales, animales et minérales fossiles, et Avel sougline que "les recettes inchangées de notre gamme n’ont pas subi les progrès techniques de la chimie (ajout de silicones, résines…) qui auraient eu comme seul avantage d’augmenter les marges des fabricants." Qu'on se le dise.....
Des points communs
En fait, ces trois marques ont en commun une approche traditionnelle, le refus d'abandonner les produits naturels au profit de produits chimiques, et des formulations basées sur un mélange de cires animales (abeille), végétales (carnauba, un palmier originaire du Brésil) et minérales avec de la térébenthine (essence naturelle de pin) et d'autres composants et pigments naturels. Et cela n'a rien d'étonnant: le cuir ayant les mêmes propriétés, qu'il soit allemand, français ou suisse, il est logique qu'il soit entretenu avec des produits de composition similaire, même si chaque marque ajoute ensuite ses spécificités. Et chacune exprime aussi sa philosophie en développant une large gamme de produits spécifiques, conformes à son idéal de l'entretien du cuir.
Que penser alors de leurs qualités respectives?
Si les produits sont similaires, comment se comparent-ils sur le marché, et comment nos trois marques se comparent-elles aux autres produits disponibles? Nous avons donc comparé les pâtes de cirage des principales marques présentes sur le marché européen. Il faut noter que ces pâtes de cirage ne représentent qu'une infime partie de la gamme de ces marques, qui comportent également des crèmes, des rénovateurs, des lotions diverses, des nettoyants, des sprays imperméabilisants, etc etc.
Afin que la comparaison soit aussi objective que possible, nous avons choisi dans chaque gamme des boîtes de cirage en pâte dure vendues en boîte métallique. Dans chaque cas, nous avons relevé les prix publics, donc incluant la TVA, mais pas les frais d'envoi. Etant donné qu'aucun site français ne commercialise les produits Burgol et Collonil, nous avons relevé leurs prix sur des sites allemands (qui affichent d'ailleurs tous les mêmes prix). Finalement, nous avons ajouté à des fins de comparaison le cirage du célèbre bottier anglais Tricker's. Les résultats sont assez surprenants.
Ajouté le 3 septembre: Sachant que tous ces produits contiennent à peu près les mêmes ingrédients, qu'ils achètent en grandes quantités à des prix que l'on peut supposer proches, comment expliquer de tels écarts de prix? Que peut contenir le cirage Tricker's qui puisse justifier un coût de trois fois supérieur à la pâte Saphir, ou quatre fois à la pâte Collonil?
Rien, très vraisemblablement, sinon des politiques commerciales. Il est évident qu'après avoir acheté une paire de chaussures à £350 ou £400, le client Tricker's n'hésitera pas à acheter une boîte de cirage à £10 dans la lancée, alors que le client ne cherchant qu'à entretenir ses chaussures ne verra pas l'intérêt d'une telle dépense, et achètera avec confiance des produits Saphir ou Collonil.
On retiendra de cette comparaison chiffrée que les marges en matière de cirages et autres produits d'entretien sont beaucoup plus généreuse que sur les chaussures elles-mêmes.
Que valent alors ces produits? Nous n'avons pas fait de comparaison directe, brosse en main, car pour juger des qualités respectives de ces produits il faudrait les utiliser pendant plusieurs mois sur des chaussures identiques, ce qui dépasserait les modestes objectifs de ce blog. Mais un survol des sites, forums de discussion et blogs dans plusieurs pays permet de relever quelques observations.
D'abord, à l'échelle internationale, ce sont les produits de marque Saphir qui sont plébiscités, et parfois même conseillés par les fabricants de chaussures, plus que toutes les autres marques. Ce succès est d'autant plus méritoire que cette marque est la plus récente, et qu'elle est commercialisée à des prix plus que compétitifs.
Une deuxième observation, qui n'étonnera personne, est que dans chaque pays c'est la marque nationale qui est la plus largement citée, donc Burgol en Suisse et Collonil dans les pays germaniques; quant à Saphir, ses produits sont loués sur les sites américains et anglais, et pas seulement français.
Est-ce que en matière de cirage, aussi, les européens seraient toujours aussi chauvins?
P.S.: Les produits Collonil sont commercialisés en France dans le commerce "en dur," et le site de la marque permet de trouver les dépositaires, même en France. La situation est moins claire concernant Burgol, qui ne semble pas être disponible chez nous, mais que l'on trouve aisément sur Internet. Saphir se trouve partout, même parfois sur les marchés.
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